interview de Cissokho...un peu de fraicheur
FC Nantes .Dimanche 13 mai 2012Donnez votre avis...
Envoyer cette info à un ami par e-mailImprimer cette infoEnregistrer en favori cette informationPartager cette info avec mes amis sur FacebookPartager cette information sur Twitter.Issa Cissokho : « Je suis sensible au pouvoir d'achat »
Issa Cissokho porte un regard lucide sur un milieu professionnel qu'il a intégré tardivement, après plusieurs expériences contrastées. Il a désormais conscience de bénéficier d'un statut privilégié, sans pour autant culpabiliser.
Philippe Renault
.Ligue 2. À 27 ans, Issa Cissokho a découvert le milieu professionnel sur le tard, après un parcours chaotique. Le défenseur nantais a conscience de faire partie d'une corporation privilégiée.
Entretien
Votre parcours est pour le moins atypique...
J'ai pas mal galéré et connu beaucoup de clubs : Louhans-Cuiseaux, Guingamp, Blois, Orléans, Carquefou. Me retrouver professionnel à Nantes, c'était quelque chose d'inimaginable il y a quelques années. Si je n'étais pas passé par Carquefou, je ne pense pas que j'aurais atterri au FC Nantes. J'aurais encore bourlingué car j'aime le foot.
Où puisez-vous ces ressources ?
Je me replonge dans le passé. J'ai galéré et je me retrouve dans un stade avec des fois 17 000 ou 20 000 personnes comme Lens. Ça me transcende. À chaque match, chaque rassemblement, je savoure, je suis le dernier à quitter la pelouse. Je remercie Dieu dès que je rentre chez moi. Ce n'est pas donné à tout le monde de faire ce métier.
Si vous n'aviez pas opté pour le football, dans quel domaine exerceriez-vous aujourd'hui ?
Je pense que je serais parti à l'armée (rires). C'est une alternative au quartier. Ça ne m'aurait pas plu de traîner dans ma cité à Blois. Il y a cinq ans, on était avec des amis en bas d'une tour à Blois et on se disait : bon les gars, on fait quoi (rires) ? L'un de mes amis est parti à l'armée. Il a fait 8 mois au Liban notamment. Psychologiquement, ça lui a fait du bien. Il m'a proposé. Je me suis dit : pourquoi pas ? Puis j'ai décidé de persévérer dans le foot. J'ai joué à Orléans, tout en habitant à Blois. C'est l'année qui m'a le plus fatigué. Je passais beaucoup de temps dans le train, les transports en commun. C'était le parcours du combattant. Je n'avais pas de chaussures, pas de crampons, je touchais 200 € par mois. Je revenais de Guingamp et c'était un peu un échec pour moi. Dans le quartier, on me faisait des réflexions. Alors que j'aurais dû signer à Blois directement, j'ai signé à Orléans par fierté.
« Signer un autographe, c'est la beauté ! »
Le foot, c'était une bouée de sauvetage ?
J'ai de bons amis en prison et je n'avais pas envie de finir comme ça. On a reçu une très bonne éducation de nos parents et par respect, je veux rester carré.
Conservez-vous le contact avec vos amis incarcérés ?
Oui. Je les ai déjà eus au téléphone ou par SMS. Ils regardent mes matches sur Eurosport. Ce sont des amis d'enfance qui nous dépannaient quand on avait des problèmes de voiture, quand il manquait de la farine, du sucre, c'est comme une famille. Quand je joue, je pense à eux. J'ai fait une demande pour aller voir l'un d'eux au mois de juin au parloir.
Quand on parle de Cissokho dans le milieu du foot français, on songe inévitablement à Aly (son frère cadet, défenseur de Lyon) et pas à Issa. C'est vexant ?
Non, c'est normal et c'est même flatteur mais on me reconnaît quand même plus facilement aujourd'hui dans les restaurants, les cinémas, dans les rues. On prend des photos et ça me fait plaisir. Je suis allé récemment dans le quartier de la Bottière à Nantes pour sensibiliser les jeunes au foot. J'ai des amis éducateurs qui me sollicitent pour des coupes. Ça me touche car je sais ce que c'est de devoir batailler, faire plus que les autres. Je leur dis de ne pas lâcher, notamment au niveau des études. Il faut persévérer car si ça ne marche pas dans le foot, au moins, ils auront un bagage. Je parle aussi du respect de la famille et d'autrui car tu ne peux pas demander le respect si toi-même tu n'as pas ces valeurs. C'est primordial pour moi.
Vous touchiez 200 € à Blois, loin des sommes en jeu dans le milieu professionnel. Avez-vous changé depuis la signature de votre premier contrat pro ?
J'ai fait du chemin, je me fais plaisir mais je mets de l'argent de côté. L'an dernier, j'étais à Carquefou, j'avais un salaire modeste. Aujourd'hui, je vis comme si j'étais resté à Carquefou. J'aide aussi ma famille. Récemment, on a tous payé le voyage de notre père à la Mecque. Il est revenu tout neuf. Ça fait plaisir de voir le père qui sourit.
Avez-vous déjà envisagé votre reconversion ?
Oui, car le foot peut s'arrêter dans six mois. J'ai des projets en cours, notamment avec mes frères Mamadou et Aly, dans l'immobilier. Des projets d'achat d'appartements et aussi d'ouvrir une salle de spa au Sénégal. On met de côté. Je veux assurer mes arrières. Je vis avec quelqu'un et quand on veut fonder quelque chose, il faut être prévoyant. J'ai la valeur de l'argent. Je sais ce que c'est de dépenser 10 €.
Quel est le dernier achat coûteux que vous ayez effectué ?
(Rires). Un sac Louis Vuitton à 1 000 €. C'est un truc que je voulais avoir. J'ai bossé pour, j'ai mis de côté et je me fais plaisir. Mais j'aime bien aller chez Zara par exemple et si je peux prendre un jean à 50 € plutôt qu'à 150... Je suis sensible au pouvoir d'achat !
Avez-vous suivi la campagne présidentielle ?
Oui, je l'ai suivie avec beaucoup d'intérêt. J'ai voté Hollande. J'aime sa vision des choses par rapport à ceux qui n'ont pas de travail, par rapport aux immigrés.
Dans son projet figurait aussi l'imposition à 75 % pour les revenus supérieurs à 1 million d'euros annuels. Une mesure qui ne fait pas que des heureux dans le milieu du football !
Personnellement, je ne me sens pas concerné ! Ça m'a fait ch... un peu pour Aly, mais bon... (rires). Déjà, pour moi, quand on a un salaire de 10 000 €, c'est énorme. Tu peux largement vivre toute ta vie non ? Avec 2 ou 3000 €, tu n'es pas mal quand même. Tu vois des mecs qui gagnent le RSA ou le Smic. Ils vivent difficilement, mais ils sont debout. Nous, on fait un métier formidable. Il faut dire la vérité, on est bien, on est chouchoutés. Rien que le fait de signer un autographe, c'est la beauté ! C'est pour ça que je ne rechigne jamais à signer un autographe. On ne se lève pas pour aller à l'usine. Tu t'entraînes deux heures. Ensuite, tu fais sauna ou hammam et tu rentres à la maison. Tu veux